développement immobilier logistique : l'émergence de nouvelles communes primo-logistiques (Partie 1)
Qui ne s’est jamais demandé, entendant parler d’une transaction en immobilier logistique : mais où se situe cette commune au nom peu usuel ? Cette question en suggère une autre : l’immobilier logistique se densifie-t-il autour de ses points d’ancrages existants, ou s’éloigne-t-il toujours plus loin des grands centres urbains ?
La spatialisation des entrepôts logistiques par rapport à leurs cibles prioritaires, les métropoles et leurs bassins de consommation et d’emploi constitue un enjeu majeur pour l’efficacité des supply chains. Entre la zone d’implantation idéale - le barycentre - et la réalité, il y a souvent tout un monde, contraint par les politiques d’urbanisme, les réglementations et l’offre. Au cours des derniers décennies, l’immobilier d’entreposage s’est vu repoussé toujours plus loin des grands centres urbains, sur des territoires parfois peu ou pas du tout dotés d’entrepôts.
La démarche a consisté - au moins à partir des années 90 - à structurer de grands hubs logistiques en périphérie des villes pour y regrouper les fonctions d’entreposage. L’activité transactionnelle des 10 dernières années confirme-t-elle cette tendance à l’éloignement ?
Décomposons cette interrogation en 2 questions simples :
- Observe-t-on un plus grand nombre de communes nouvellement couvertes par des entrepôts logistiques ?
- Ces bâtiments sont-ils situés plus loin ou plus proches des grands centres urbains qu’ils desservent ?
☆ Bon à savoir ☆
Depuis plusieurs années, le nombre de communes nouvellement impliquées dans des développements d’entrepôts neufs semble augmenter. Ces communes n’ont encore jamais été observées dans l’activité transactionnelle des 15 dernières années. Il s’agit le plus souvent de villes dotées d’une faible couverture logistique, objet pour la première fois d’une transaction de taille significative (clé-en-main, compte propre ou location « classique » de plus de 10 000 m²).
Hausse du nombre de communes nouvellement couvertes par des entrepôts logistiques ?
Nous avons d’abord isolé les communes objets d’une opération neuve de plus de 10 000 m² au cours des 15 dernières années. Deux séquences temporelles de 5 années chacune (2011 à 2015 versus 2016 à 2020) constituent la décennie écoulée.
Le graphique du nombre d’opérations nouvelles par commune, que nous qualifierons de ville « primo-logistique » confirme cette tendance. Au cours des 5 dernières années (2016-2020), on dénombre 141 communes « primo-logistiques », contre 74 de 2011 à 2015.
Depuis 5 ans, les implantations d’entrepôts neufs impliquant des communes « nouvelles » dans la logistique ont donc été près de deux fois plus nombreuses qu’au cours des 5 années précédentes. Ce phénomène correspond d’ailleurs à une accélération de la demande placée en immobilier logistique observée à partir de 2016.
En un mot, les communes nouvellement couvertes par des entrepôts logistiques sont significativement plus nombreuses que par le passé et leur demande placée a nettement augmenté. L’immobilier logistique s’étend à un nombre croissant de territoires.
Des dynamiques de développement distinctes selon les secteurs géographiques ?
Où sont positionnés ces entrepôts ? A quelle dynamique spatiale correspondent ces constructions neuves intervenues au sein de communes jusqu’alors non couvertes (ou très peu) par de l’immobilier logistique ? Cette dynamique de développement de nouveaux bâtiments répond-elle à une logique de rapprochement ou d’éloignement des centres métropolitains ?
Pour répondre à cette question, nous avons :
- géocodé à l’adresse l’ensemble des transactions logistiques depuis 2006 ;
- mesuré la distance qui sépare ces bâtiments par rapport au centre de leur métropole de rattachement (grande métropole la plus proche)
☆ Bon à savoir ☆
Certaines de ces communes peuvent être considérées comme appartenant à des marchés « diffus » (loin d’un centre urbain dominant) dont il serait arbitraire - voire impossible - de décider à quelle métropole l’opération se rattache. Nous avons exclu ces cas particuliers pour gagner en lisibilité dans notre analyse.
Première observation, la concentration des communes « primo-logistiques » est plus importante au Nord de la France qu’au Sud (schématiquement délimité par la Loire). Ces communes « primo-logistiques » sont peu nombreuses autour de Lyon, Toulouse, Marseille, suggérant que les nouveaux développements d’entrepôts ne nécessitent - ou ne permettent - pas de prendre position sur de nouvelles communes.
Deuxième observation, la distance à la métropole de rattachement a diminué à l’échelle nationale, passant d’un peu plus de 32 km entre 2011 et 2015 à moins de 30 km entre 2016 et 2020. Il s’agit là d’un constat contre-intuitif, étant communément admis que les constructions d’entrepôts tendent à s’écarter toujours plus loin des centres urbains et que l’offre dans le parc des entrepôts existants se raréfie à mesure que l’on s’en rapproche.
Les situations sont en fait très différentes selon les marchés considérés, voire complètement antinomiques. Si l’on se focalise sur les 2 marchés dotés du plus grand nombre de communes « primo-logistiques » on observe :
- Une dynamique de rapprochement dans l’agglomération Parisienne ;
- Un éloignement pour Lille, avec un déport vers Arras et Cambrai (qui rapproche d’ailleurs de Paris) ;
Ces deux marchés, théâtre d’un grand nombre de transactions sur des communes « primo-logistiques » sont interdépendants. L’étirement au Sud de Lille permet d’approcher Paris sans perdre le contact avec le marché lillois, à la faveur d’une politique volontariste vis-à-vis de la logistique. L’éloignement au Nord de Paris (Creil, Compiègne, Soissons) s’est vu, quant à lui, compensé par des implantations très proches du centre de la capitale (intra-A86)
Conclusion
Le nombre de communes « primo-logistiques » s’est significativement accru au cours des 5 dernières années. Bien qu’à l’échelle nationale ces implantations traduisent un rapprochement des centres métropolitains, les dynamiques sont très différentes selon les marchés considérés.
Plusieurs interprétations justifiant l’implantation au sein de communes peu couvertes par des entrepôts logistiques sont possibles.
La plus évidente consiste à se dire que le manque de disponibilités foncières suffisantes au sein de hubs logistiques existants conduit à « déborder » sur des communes jusqu’alors peu couvertes par des entrepôts logistiques.
La pression foncière (forte ou faible) et les politiques d’urbanisme déterminent ensuite le sens de cette implantation ( rapprochement ou éloignement du centre métropolitain dominant).
Pour certains marchés (Sud de la Loire notamment), cette interprétation repose néanmoins sur un nombre d’opérations trop faible pour tirer des conclusions définitives pérennes. La question des distances d’implantations mérite donc d’être étendue l’ensemble des développements neufs observés depuis 10 ans. Ce sera l’objet du prochain article.